Sécurité en compétition: la responsabilité des organisateurs

Les organisateurs de compétition, fréquemment bénévoles, ont de lourdes responsabilités en matière de sécurité sur les épreuves. Ce qui est élémentaire paraît aujourd’hui une évidence, mais représente un boulot considérable: connaissance du terrain, prise d’information sur les prévisions météo, établissement de plans de secours et d’évacuation, mise en relation avec les autorités locales, formation à la direction d’épreuve. Ces travaux doivent toujours être remis sur l’ouvrage et pour aller au-delà je vais essayer d’ouvrir de nouvelles pistes sur des points concrets.

L’attente au start

La question de la quantité de pilotes acceptés sur une compétition amène des problèmes essentiellement pour le start. On pourrait croire que la probabilité de collision augmente comme la factorielle du nombre de pilotes, mais ce n’est pas mon observation. Le facteur de risque augmente certes avec le nombre de pilotes, mais il augmente encore plus avec l’hétérogénéité du plateau de pilotes. A mon avis, l’intérêt de la réduction du nombre de pilotes sur une compétition réside principalement dans la création d’une grappe homogène. Si la grappe est réduite mais l’hétérogénéité toujours importante, cela restera dangereux. J’ai proposé il y a déjà plus de 2 ans un circuit de compétition type « grand prix » à base de « cut » minimal ou maximal. Il conviendrait à cet effet de se servir du WPRS plutôt que d’une seule bonne compétition 1 an auparavant comme en PWCA ou en France. Je reviendrai peut-être là-dessus un de ces quatre.

Pour résoudre les problèmes d’attente au start, il existe d’autres solutions. Les directions d’épreuve savent faire preuve d’imagination pour définir des manches qui présentent une large zone d’attente ou des options de placement pour éclater la grappe. En particulier l’utilisation de larges cylindres en entrée pour le start tend à se généraliser et c’est une bonne chose.

Dans le paragliding forum j’ai relevé une idée originale sur le découpage en 2, 3 ou 4 groupes des pilotes inscrits dans une compétition. Les premiers jours, les groupes font des courses différentes, donc la meute est divisée en autant de grappes pour 2 ou 3 manches par exemple. En deuxième partie de compétition les pilotes sont qualifiés dans des groupes de niveau en fonction de leur classement sur la première partie. A la fin le classement général reprend le classement de chacun des groupes mis bout à bout. L’idée est alléchante, mais je ne suis pas sûr que les pilotes des 2ème et 3ème groupe aient envie de participer au deuxième tour. Et pour qu’il y ait un deuxième tour, il faut également que cela vole, et cela est impossible à garantir

Le type de manche et le scoring

Mais il est possible d’aller plus loin, et pour cela il faut revoir la philosophie des compétitions et des compétiteurs de parapente. Aujourd’hui, 95% des organisateurs et des pilotes veulent des courses au but: plus de spectacle, déroulement plus facile à contrôler. Mais dans le vol à voile ou le delta, disciplines pas si éloignées de la nôtre, il n’existe que des temps mini et des clock start. Pour éviter qu’ils ne se transforment en course au but la fermeture de fenêtre peut être fixée de manière à rendre délicat le bouclage par manque de temps. Et les clocks starts doivent être suffisamment espacés, d’un minimum de 15 minutes, pour que les premiers pilotes ne servent pas trop de marqueurs aux suivants. Je trouve que ces manches valorisent d’autres qualités intéressantes pour un libériste « complet »: la capacité à analyser la météorologie et la capacité à prendre des initiatives. Et pour récompenser ces capacités, l’utilisation des « leading bonus » et autres « early bird points » doit être généralisée à toutes les manches.

Toujours dans le paragliding forum j’ai lu diverses propositions sur les types de manches. Certains ont évoqué les courses aux pylônes, comme au début de l’aviation et maintenant à la Palma. Je n’ai pas participé à cette compétition. Objectivement elle semble un bon moyen d’attirer des spectateurs, mais tout le monde a vu les vieilles images des crashs dans ces courses au début du siècle dernier, et les nouveaux spectateurs risquent d’en voir de nouveau s’il s’agit de pousser le barreau à ras le caillou à basse altitude.

Le plané final

La solution cylindre puis ligne est une mesure pratique et efficace pour donner un joker aux pilotes qui prennent leur voile accélérée à bloc sur la tronche dans le plané final. Elle oblige à passer le cylindre à une certaine hauteur, donc d’avoir de la marge pour récupérer un incident de vol. Si cette marge n’est pas suffisante avec un rayon de 1km, passons à 2 ou 5km.

Les discards

Le principe est de dire: si les pilotes peuvent défausser une manche après X manches courues, ils vont moins prendre de risques. C’est typique de la fausse bonne idée. La discard est valable pour les manches au treuil afin de limiter l’aléa de cette mise en l’air. Mais pour le reste elle est très pousse au crime: avant la dernière manche je peux envoyer comme un sourd car j’ai droit à un joker, et encore plus sur la dernière manche quand tout le monde est bien fatigué car je dois améliorer mon score.

La journée de repos

Le principe d’une journée de repos après 3 ou 4 jours de compétition me parait très intéressante. La compétition est déjà validée, le classement représentatif, tout le monde peut respirer. Plutôt que de parler de nombre de jours de vol, il est aussi possible de parler d’heures de vol. Dans la même veine, une suggestion de Charles: attendre au moins 12 heures entre le retour au PC course du dernier pilote récupéré et l’ouverture de la fenêtre de décollage le lendemain.

La discard de repos

C’est une idée de Bettina: que chaque pilote puisse choisir un jour dans la semaine pour ne pas voler et prendre une discard. Sur un plan pratique, l’idée pourrait être mise en oeuvre comme au point précédent, dès lors que la compétition est validée. Dans le principe elle en est donc très proche, et sur le plan de la sportivité je préfère que tout le monde courre en même temps, et donc se repose en même temps. Mais merci Bettina pour la suggestion!

Je reviens sur ce thème de la fatigue dans le prochain billet.

5 réflexions sur « Sécurité en compétition: la responsabilité des organisateurs »

  1. Au sujet de l’hétérogénéité des pilotes.
    Une incitation circule dans notre milieu: celle de se mettre à la compétition lorsque l’on veut progresser en cross.
    Le bénéfice supposé:
    – circuit préparé
    – conseils d’autres (bons) pilotes
    – recup
    – ambiance

    Ce qui pousse même des pilotes moyens, surement à juste titre, à participer à des compétitions.
    Cela a de bons côtés. Mais comme tu le soulignes, comment concilier cela avec la sécurité?

  2. Une remarque liminaire: rien ne me montre que la compétition est plus sujette à accidents que la pratique loisir. Parler de sécurité en compétition ne signifie pas que l’accidentologie est anormalement élevée. J’aborde ce thème car la sécurité en compétition présente des dimensions spécifiques sur lesquelles il est possible de faire des progrès.

    Une première réponse réside dans l’organisation des circuits de compétition en France: faire une B-Access pour comprendre le fonctionnement et prendre connaissance du déroulement d’une compétition. Puis participer au circuit B. Et ensuite, si les résultats sont là, passer en A. Et puis faire quelques compétitions internationales avant de rentrer dans le circuit Coupe du Monde. Donc de fait cette séparation de niveau existe. Mon propos est de dire qu’elle pourrait être améliorée (je dois dire ça dans le billet d’aujourd’hui, je crois).

    Une seconde réponse se trouve dans la taille des grappes: commencer par une compétition au treuil avec 15 compétiteurs est la garantie d’éviter les encombrements d’un départ de manche de championnat du monde à 150 pilotes! Donc au début d’une carrière de compétiteur, trouver des sites peu agressifs en terme de terrain conjugués à un faible nombre de pilotes inscrits. Et ensuite, progresser vers de plus grosses organisations, on trouve des manches B à 80 ou 100 pilotes qui sont intéressantes à visiter avant de passer en A.

    Dans le cadre d’une progression, une idée appliquée par les cadres des pôles pour les jeunes: demander aux espoirs de faire une seconde année en B même s’ils se sont qualifiés une première fois, afin de parfaire leurs bases avant d’aller sur le circuit A.

    Et comme tu le soulignes: circuit préparé (par opposition à improvisé), conseils (par rapport à méconnaissance), convivialité (par opposition à aggressivité) sont en eux-mêmes des facteurs d’amélioration de la sécurité.

  3. salut,
    Moi qui fait un peu de B, je vous rejoins sur l’hétérogénéité des pilotes entre les A et les jeunes B… ça fait un belle éventail. Mais, perso, je trouve qu’en B, c’est au final bien géré, dans la mesure où l’organisation joue le jeux des B.
    L’hétérogénéité est également dans les modes d’organisation et notamment avec le briefing d’avant manche. Là, on voit tout… du je te jette les balises et tu te débrouilles au cours de cross détaillant zone à zone les risques potentiels.
    Je sais pas si une charte existe ou un guide du gentil DTE, mais y a un truc.
    Pareil, en B, c’est sympa le dimanche matin d’avoir un debrief de la manche de la veille. Je me souviens qu’un certain Droindroin avait demandé à Yvan de décrire la manche qu’il avait gagné… c’etait super riche y compris pour la sécurité de la manche du jour.

    Bien ces petit billets Maxime, merci.

  4. Bonjour Joël,

    Tu as raison, j’aurais du mentionner les AAT. Dans le vol libre (en France en tous cas) un équivalent s’en rapproche: la manche libre. Je recopie le texte du règlement: "Cette manche est conçue pour les petites conditions, elle est principalement utilisée par les directeurs d’épreuves pour ces manches". De quelles manches s’agit-il, je n’ai pas compris. Mais tout le monde aura compris à quel point la manche libre est valorisée! Quand au calcul des points, il n’est pas simple. Il ne peut pas être basé uniquement sur la meilleure distance ni uniquement sur la meilleure moyenne (encore que ton exemple fonctionne), alors la formule est du type:

    • performance = (1 + ma vitesse/vitesse des autres) x mes kilomètres. 

    Ce qui a une conséquence directe: encore moins compréhensible que les temps mini tant pour le public que pour les pilotes, ce type de manche n’est pratiquement jamais utilisé. A la réflexion c’est bien dommage, et cela nécessiterait un encore plus grand changement de mentalités pour qu’elle s’impose. A noter que les vélivoles ont aussi le TDT: une distance maximale en temps imposé.

    Je rajoute un détail d’importance: il est très compliqué pour un directeur d’épreuve d’avoir ses ouailles disséminées sur un vaste périmètre. Cela pose des problèmes logistiques pour la récupération et aussi des problèmes de sécurité pour garder un oeil sur tout le monde, signaler les incidents, localiser les incidents…

    Concernant les courses aux pylônes, voici ce que j’en imagine, peut-être à tort. Elles sont intéressantes car elles présentent un spectacle simple au public. Ce public va se placer à l’attéro ou, mieux encore, le long d’une falaise. Car le parcours est fréquemment triangulaire: deux balises aux extrémités d’une crête plus une balise en plaine, pour un tour de circuit de 10 ou 15km. Exemples évocateurs: le Revard et Mouxy, ou Aiguebelette et Ayn (fallait bien que je le place ce village de ma famille!). Crois-moi, la partie en ligne droite le long de la paroi ou au-dessus de la forêt tout à bloc promet du spectacle! Charles m’a fait une description assez similaire de son expérience à La Palma. Mais le public aime voir Senna sortir de la piste à 300km/h, et paye cher pour cela, alors pourquoi pas: transformons-nous en gladiateurs! N’était-ce d’ailleurs pas le nom d’un projet de ce type dans le secteur de Plaine-Joux?

  5. Salut
    Je n’ai pas écumé tous les forums du net, mais il y a un type d’épreuve que je n’ai pas encore vu en parapente, mais qui existe en planeur (tu fais souvent référence au planeur) c’est les Assigned. Area. Tasks (AAT) ou circuit par zones.
    Pour faire simple en deux mots : Le but du jeu est d’aller virer n’importe où dans les cylindres qui sont bien plus grand que d’habitude (10km, 50km…) , dans l’ordre des points de virage comme dans un circuit normal, dans un temps minimum.
    Le meilleur et celui qui aura fait la meilleur moyenne.
    Sachant que si tu arrives avant le temps minimum c’est celui-ci qui sera pris en compte pour le calcul de la moyenne.
    Exemple : temps mini 1h30mn
    Pilote A : 40km en 1h00 = 26,7km/h et oui le calcul ce fait sur le temps mini de 1h30
    Pilote B : 56km en 2h00 = 28km/h calcul de la moyenne normalement
    Pilote C : 43,5km en 1h30= 29km/h calcul de la moyenne normalement

    Personnellement sans jamais avoir pratiqué, je trouve que cela ouvre beaucoup plus d’option surtout si les cylindres sont grand.

    Pour plus d’explication et image.
    http://eqf.volavoile.free.fr/reglem
    ou
    http://www.speedbattle-cup.com/task

    Pour finir une question, pourquoi les courses aux pylônes seraient plus "dangereuse" que les autres. N’es pas à l’organisateur de la manche à faire en sorte de ne pas "pousser le barreau à ras le caillou à basse altitude".

    Bravo pour ton blog et les idées que tu développe.

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