Sécurité en compétition: la responsabilité des circuits

Précédemment j’ai abordé la question de la sécurité en compétition sous l’angle des organisateurs de compétition. Mais il existe aussi des organisateurs de circuit: la FFVL pour les A et les B, la PWCA pour les Coupes du Monde, la FAI pour les évènements internationaux de catégorie 1 et 2. Ces organisateurs de circuit ont la responsabilité d’établir un cahier des charges pour qu’un organisateur de compétition obtienne leur label, et de vérifier que le cahier des charges est bien respecté.

Que peuvent faire les organisateurs de circuit? Plein de choses.

Les équipements de sécurité

Par exemple, s’il est avéré qu’en compétition les conséquences des accidents constatés auraient pu être réduites si les pilotes avaient utilisé un casque fermé, alors le casque fermé doit devenir obligatoire. Sur le thème du casque, je ne comprends pas pourquoi mon casque de ski n’est pas homologué pour le vol libre, soit disant parce qu’il a des trous. Mais vu la taille du marché et donc les moyens de ses acteurs, je fais plus confiance à la R&D et aux standards des fabricants de sécurité pour le ski qu’à ceux du marché vol libre.

Autre exemple: les protections. Les protections dorsales et sous-cutales bien entendu, avec une matière et une épaisseur données. Mais pourquoi pas une protection des coudes et poignets, comme les rollers et autres skaters? Qui n’a pas une connaissance qui s’est fait un poignet en cratérisant? Tant que ce genre d’équipement à la Dark Vador ne sera pas rendu obligatoire, je ne risque pas d’en porter. Et pourtant la question mérite d’être posée!

La formation

Cela fait longtemps que je pense et essaye de faire savoir autour de moi qu’un stage SIV devrait être obligatoire pour le brevet confirmé, celui-là même qui est nécessaire pour faire de la compétition en France. Car l’un des principaux problèmes à régler, ce sont les cravates. Et quelle est la solution aux cravates? Si je suis haut c’est le décrochage de la voile, si je suis bas c’est le secours. Et ces manœuvres s’apprennent. Donc puisque le risque de cravate existe, qu’il est plus élevé avec les voiles utilisées en compétition, rendons obligatoire l’apprentissage des manœuvres pour s’en défaire.

On achève bien les chevaux

Ce point est très délicat à mes yeux, car paradoxal. Il s’agit de la longueur des manches et de l’enchaînement des vols qui naturellement fatiguent les pilotes. Tout le monde prend du plaisir à faire des km, et cela ne pose pas trop de problèmes à l’échelle d’une manche, mais que dire à l’échelle d’une ou deux semaines. Si le classement de l’épreuve n’est que la résultante d’une sélection sur la fatigue qui conduit à prendre de mauvais risques, je suis mal à l’aise…

Mais à chaque revers de médaille son endroit: le constat de cette fatigue et la baisse de performance qui en est la conséquence pousseront les compétiteurs à devenir plus sportifs, avec une préparation physique plus intense. Donc il est question d’équilibre ici.

La mesure qui peut être imposée par l’organisateur des circuits: limiter le nombre d’heures de vol dans la semaine, par exemple, ou imposer une journée de repos après un certain nombre d’heures de vol. Une fois encore la connaissance du passé nous aiderait fortement: les accidents se produisent-ils statistiquement plutôt en début, en milieu ou en fin de semaine? Personnellement, je n’en sais rien. J’ai participé à plusieurs compétitions avec 5, 6 ou 7 journées de vol consécutives sans observer une quelconque distribution des accidents sur la durée. Donc tant que le constat n’est pas dressé, pas de mesure à prendre.

Aptitude physique

En France un certificat de non contre indication médicale (bonjour la périformule) est nécessaire pour obtenir la licence compétiteur. C’est un minimum, je suis persuadé que cela n’existe pas dans tous les pays. En devenant Sportif de Haut Niveau, j’ai bénéficié d’un suivi médical qui répond à un protocole défini par la fédération et le Ministère de la Jeunesse et des Sports. C’est un pas de plus dans la bonne direction. Cependant avec cette démarche, il n’est question que de bonne santé, pas de niveau de performance physique. Dans la compétition du X-Alps, une épreuve de qualification physique est demandée: est-ce la prochaine étape pour tous les compétiteurs? Pourquoi pas.

Serial Class

L’argument Serial Class est souvent avancé par les anglo-saxons. Il repose sur l’idée qu’une voile homologuée LTF 2-3 ou CEN-D a un comportement plus « sain » qu’une aile de compétition. Peut-être en conditions de cross ou de vol loisir en air calme. Mais dès lors qu’on parle de compétition, le matériel sera poussé à sa limite en conditions réelles, et l’autre côté de la limite, c’est l’accident, quelle que soit la certification de la voile.

Nous participons à des compétitions de vitesse. L’énergie croit avec le carré de la vitesse. En cas d’incident, la quantité d’énergie à dissiper avec nos structures souples est donc la même quelle que soit la voile, et je suis sûr que les constructeurs ou les pilotes parviendront à faire voler des 2-3 à plus de 60km/h s’il le faut. La solution serait de limiter la vitesse, donc il n’y a pas de solution.

Je n’ai pas de statistiques en compétition ni en cross d’accidentologie entre voiles 2-3 ou CEN-D et voiles compétition. J’ai cependant des souvenirs très précis de ma Nova Vertex (on peut en parler librement, il y a prescription), ma première 2-3, grâce à laquelle j’ai vraiment appris par l’exemple à gérer les fermetures. Pas un vol sans la prendre sur la courge. Je me suis senti vraiment plus en sécurité sur toutes les voiles compétition que j’ai eues par la suite. Est-ce l’effet de l’expérience qui rentre ou du matériel qui évolue? Les deux.

Parfois j’ai l’occasion de voler avec d’autres voiles que mes ailes de compétition, des machines certifiées. Elles filtrent plus, ne sont pas amorties de la même manière, mais du coup je ne sens plus leur comportement, je ne sais plus ce que me dit la voile, je ne vois plus arriver le problème et quand il survient c’est massif. Ce n’est peut-être qu’une sensation, mais je me sens plus en sécurité sous une lame que sous une méduse. Ceci devant forcément être corrélé à un niveau d’expérience et d’expertise.

Concernant les certifications, dans mon esprit, les seules voiles idiot-proof sont les 1 ou A destinées à l’école ou la sortie d’école, et encore. Toutes les autres ont besoin d’un pilote pour rester ou revenir dans le domaine de vol lorsque l’aérologie n’est pas calme ou lorsque le vent relatif est fort. Poussons la logique: il y aura des accidents en Serial Class, alors ces voiles seront interdites et les compétitions Sport Class seront inventées, dans lesquelles il y aura des accidents donc ces voiles seront interdites, et ainsi de suite jusqu’à l’interdiction du parapente sous prétexte que cette activité est risquée. Et interdisons aussi le vol à voile qui tue 4 fois plus que le parapente en France, ou le ski qui tue une personne par station et par an. Comment ça, vous n’êtes pas d’accord?

Puisque nous parlons finalement de matériel, le prochain billet parlera de la responsabilité des industriels.

6 réflexions sur « Sécurité en compétition: la responsabilité des circuits »

  1. Ouh là mais ce n’est pas wikipente ici! Une recherche Internet, peut-être fastidieuse, amène rapidement les sources en utilisant des mots-clés comme: planeur, vol à voile, vole libre, ffvv, ffvl, licenciés, accident, accidentologie, nombre, statistiques avec les combinaisons qui vont bien. J’ai touché une corde sensible peut-être? C’est étonnant car il est beaucoup plus difficile de trouver des infos sur le vol à voile que sur le vol libre. Et que pêche-t-on alors?

    Ca: [Une étude exhaustive des accidents en vol à voile|http://www.culturailes.net/culturnet/Consultables/consuaut/glider%20doc/gliderresume.doc]

    Ou ça: [Le rapport de la commission sécurité FFVV|http://chambleyvoltige.free.fr/Files/ffvv_accidents_etat_provisoire2007_le_28_03_08.ppt]

    Pour environ 12.000 licenciés FFVV.

    Et ceci: [Les statitisques accidents de la FFVL|http://federation.ffvl.fr/ffvl_cts/document/666] disponible année après année.

    Pour environ [34.000 licenciés FFVL|https://intranet.ffvl.fr/structure/1/licences] en 2008

    Le nombre de décès est proche dans les deux activités, un peu plus de 10 par an dans le vol à voile, un peu moins de 10 dans le vol libre. Si le facteur 4 semble trop élevé, gardons 3.

  2. Salut

    Et interdisons aussi le vol à voile qui tue 4 fois plus que le parapente en France

    -> source?

    merci

  3. "J’ai touché une corde sensible peut-être?"
    –> non c’etait juste de la curiosite! J’aurai pense l’inverse que ce que les chiffres donnent.

    merci

  4. Salut Max,

    A propos des homologations, je pense qu’on ne mesure pas forcément le plaisir de pilotage ou la vitesse pure mais plus les comportements en cas d’incident de vol. D’un point de vue sécurité …
    Puisque tu fais le parallèle avec le planeur, eux-aussi ont des classements par classe : 15 mètres (standard), course (volets), 18 mètres, 25 mètres (libre), world class (même planeur). Comme la finesse est directement proportionnelle à l’envergure (en planeur), on évite ainsi la course aux armements. Ce qui n’est pas le cas en parapente où on a maintenant des protos pré-série pour les pilotes usines ou encore des marques qui ne font des voiles compet que pour une certaine élite triée sur le volet. Disons que des classements par série seraient peut-être plus ouverts. Ca serait peut-être fun de faire une compet avec que des 1-2. Le problème est qu’on achète tous notre matos. En planeur, il suffit d’en emprunter un au club.

    A +,
    Pierre.

  5. Une précision sur les séries en planeur: dans chaque catégorie (15m, 18m…), chaque planeur a un handicap mesuré par rapport à une norme pour la catégorie. Ce qui veut dire que la dernière machine de 18m qui est un peu meilleure qu’une vielle bécane de 20 ans aura un handicap qui placera a peu près à égalité les deux appareils.

    En planeur toujours, pour les catégories qui ont le droit de ballaster, la quantité de ballast est un choix du pilote au départ de chaque manche. Or en parapente nous avons cette limite fixe de 32kg pour tout le monde, hors poids du pilote. Donc on ouvre les vannes, free ballast pour tout le monde? Non, ce n’est pas possible, Bertrand l’a rappelé, la voie à suivre c’est au contraire la réduction de ce ballast.

    Du coup il faudrait calculer un premier handicap entre chaque modèle de 1-2 ou B (d’ailleurs on prend quoi comme classe: LTF ou CEN?), et ensuite calculer un deuxième handicap en fonction du PTV. Pas simple l’affaire…

  6. Salut Max,
    ça fait un bail!
    très sympa tes textes sur la sécu.
    Je voudrais juste réagir sur cette Sérial class qui ressort régulièrement du chapeau. On a déjà essayé, quelle intérêt à en parler, reparler, et rereparler?

    Quant aux équipements de sécurité et à l’obligation de formation je serais bien moins extrême que toi:
    On peut se tuer avec la plus grosse mousse du marché sous les fesses, du moment qu’on est un vrai con en vol. Je pèse mes mots…
    Je ne crois pas en la qualité absolue du SIV, mais c’est un débat immense… Je suis d’accord pour dire qu’il est nécessaire mais pas du tout d’accord pour l’annoncer comme indispensable!

    Bon, je passe à ton billet suivant, la responsabilité du pilote, je vais me régaler. 😀

    Merci de partager ton avis de façon aussi détaillé et constructif.

    Nicolas

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