Journée particulière. Manche piégeuse. Changement de conditions. Aujourd’hui les +3 se sont fait rares, il fallait parfois se contenter de +1 m/s, voire moins. Le dessin de la manche autorise un départ optimisé à 20 km du décollage pour gagner plus de 7 km sur les 90 km à parcourir. Pour saisir l’option, il faut décoller tôt. Problème: les conditions ne sont pas établies, le vent est hésitant et faiblard.
Après avoir changé deux fois de décollage je me retrouve en l’air. Les thermiques sont là, mais cela plafonne à 2500/2600. Impossible de monter à 3000 m pour se lancer dans une transition hasardeuse afin d’aller se placer au mieux. L’idée est pour les Français d’aller taquiner les Brésiliens qui nous sont passés devant hier. J’ai bien œuvré pour la patrie hier mais les 45 points de la pénalité que je reçois pour ces foutus 8 m de trop nous ont manqué pour rester devant les locaux.
Le vol est fastidieux. Il y a en permanence 20 km/h de vent soit dans le nez pour commencer, soit de travers pour continuer puis finir le triangle. Il faut forcer un peu tout le monde à avancer. Il faut se replacer en permanence. C’est un peu la lutte. Et quand nous revenons bas de B2 pour rentrer vers le but, qui voyons-nous nous passer sur la tête? Un gros paquet de voiles qui paraissent satellisée alors que nous ressortons péniblement au-dessus d’une ville. En quittant des varios anémiques nous tombons sur de plus gros varios, cette masse d’air qui est bien passée à l’ombre est assez étrange. Je vais finir dans le paquet, je vois une vingtaine de voiles devant moi. Mais voilà, un Brésilien s’est échappé depuis longtemps et nous fait la nique de 10 minutes…
A exactement 66 m de la balise des points temps, accéléré à toc, fermeture, demi-tour et belle cravate bien sale à gauche. Remise à plat, je ne suis pas très haut sur le relief, pas sûr que le décro passe. La ligne des points temps est toute proche, maintien de cap approximatif, bip bip bip, peut-être une minute et 10 places de perdues… Je reviens me placer dans le thermo-dynamique le long de la pente et finis par la sortir: suspente de stab gauche tirée avec la main droite qui pilote pour commencer, puis quelques bons coups de frein bien amples à gauche.
C’est ma première cravate depuis très, très longtemps. Ce que je ne devrais peut-être pas dire, c’est que je ne sais absolument pas ce qui s’est passé. J’avais l’esprit totalement ailleurs, en train de refaire la manche et le monde. Cela partait d’une bonne intention, cela aurait été pour les rendre meilleurs. Mais l’avertissement est bien reçu: on ne rêve pas sous une aile de compétition poussée à fond dans une masse d’air active, même à 66 m d’avoir terminé sa manche!
Dernière manche, dernière chance demain!