Prêt à Porter

Sur 5 axes, l’analyse de Porter évalue une position concurrentielle et les leviers d’action envisageables pour améliorer cette position. Bien entendu cette analyse s’applique aux entreprises. D’aucuns disent qu’il manque un axe « pouvoirs publics ». D’expérience je peux vous dire qu’un entrepreneur n’a pratiquement aucune prise sur les politiques publiques. Donc la critique est infondée. Par contre mon avis est qu’il manque les actionnaires et les salariés dans ce schéma. Dans le cas qui nous concerne il n’y en a pas du tout, ça tombe bien.

Car nous allons essayer de dériver cette analyse pour votre pratique du parapente en compétition. Voyons si la méthode apporte des réponses à la question du jour: « vous êtes pilote de parapente, quelle est votre situation sur le marché de la compétition, que pouvez-vous faire pour l’améliorer? ». Et servez-vous un coup à boire avant de commencer la lecture, je suis de plus en plus long…

Intensité concurrentielle

À première vue vous vous dites que le niveau monte, que le matériel progresse, que les compètes B alpines sont toutes complètes avant même que vous ayez le temps de cliquer dessus et donc que l’intensité concurrentielle telle l’entropie ne peut qu’augmenter.

Mais à voir l’évolution des vitesses moyennes sur les manches des dernières années, des distances moyennes, des parisiens qui attaquent leur 7ème saison consécutive en A, sans oublier plusieurs dinosaures qui ont déjà fait 10 ans en équipe de France, votre conclusion s’inverse. 800 compétiteurs en France sur 20.000 pratiquants c’est peu, un ratio de 8 par département. Dont seulement la moitié fait les 5 manches nécessaires pour obtenir un classement significatif. À l’exception notable de 2009, le nombre de points du 50ème et du 100ème en B est relativement stable. En plus l’ambiance est plutôt bonne sur les compétitions, il n’existe pas d’animosité particulière qui serait le signe d’une concurrence exacerbée. Comme dirait Malcolm Gladwell dans Outliers (une recommandation de lecture de JuJu), à partir d’un certain niveau de compétence, beaucoup d’opportunités se présentent, à vous de les saisir.

Bon, de ce côté-là tout va bien, l’intensité concurrentielle est faible à moyenne, c’est au beau fixe.

Entrants potentiels

Changement de décor: il y a plein d’entrants potentiels, tout le temps, pas de barrière à l’entrée, juste un brevet de pilote confirmé. Le nombres de pilotes franchissant le pas augmente chaque année, ce rythme ayant même tendance à s’accélérer. Les voiles EN-C ou D volent suffisamment bien pour se faire plaisir en se tirant la bourre et même les machines de compétition deviennent bien plus accessibles que dans le passé, plus sûres et plus nombreuses. En plus avec tous ces gars qui font la promo du sport sur leurs blogs, ça intéresse de plus en plus de monde.

Que pouvez-vous faire alors? D’abord demandez à vos élus la fermeture de Font-Romeu, c’est dangereux tous ces petits jeunes qui pushent comme des malades. Demandez aussi que chaque pilote fasse un décro devant le déco obligatoire avant le start de la manche pour démontrer sa maîtrise de la figure (blague à part un stage SIV devrait faire partie du cursus de brevet confirmé). Ensuite racontez des histoires d’accident sur votre blog. Et postez sur tous les forums de la planète pour dire que la compétition ouh là là c’est dangereux. Même pas besoin de sortir des statistiques tout le monde va embrayer derrière vous. Certains voudraient que les compètes deviennent des « serial-class » (blague à part je suis convaincu que c’est une fausse bonne solution), militez pour l’interdiction des voiles homologuées en compétition. Évidemment dans le même temps commandez le dernier gun à la mode sans l’essayer.

Ce n’est pas la joie mais la situation n’est pas totalement irrécupérable pour vous.

Pouvoir de négociation des clients

OK d’accord, vous croyez ne pas avoir de client en tant que pilote. Mais qui vous donne de l’argent pour acheter votre matériel, qui finance votre saison, à qui vendez-vous vos exploits?

Allez tout de suite demander une augmentation à votre patron, éventuellement travaillez plus… En rentrant du boulot achetez des fleurs et faites la vaisselle un peu plus souvent. Pour décrocher de nouveaux subsides repompez consciencieusement le dossier sponsor d’un de vos camarades qui s’est bien cassé le fion. Et même comme ça, pas facile de trouver un parrainage qui mérite ce nom. Malgré vos performances vous ne touchez pas les 850 Euros de primes fédérales de résultat que vous auriez pu toucher les années précédentes, terminé le jack-pot.

Ouais, grosse pression de sur cet axe, vous avez peu de possibilités d’action pour soutirer quelques moyens supplémentaires.

Pouvoir de négociation des fournisseurs

Des fournisseurs, vous en avez, plein. Et là ce n’est pas trop cool. Parce que de la fraiche, vous en balancez! Vous ne pouvez pas avoir le matériel que vous voulez quand vous voulez. En plus cela évolue tout le temps, peut-être même de plus en plus vite. C’est valable pour la voile, la sellette, le vario… tout le matos. Et puis je ne sais pas si vous avez déjà essayé de négocier à la caisse de Total ou d’Air France, mais ce n’est pas gagné d’avance. Alors vous pourriez lancer un appel à la grève des pilotes pour la réduction des frais d’inscription. Mais ce serait contre-productif car vous feriez tomber une barrière à l’entrée de nouveaux concurrents.

Donc sur cet axe, c’est aussi la bonne galère.

Existence de produits de substitution

Et là c’est l’enfer. Le kite, le vol et ski, le cerf-volant et bientôt le boomerang (!) viennent grignoter votre visibilité médiatique et votre budget fédéral. Avec 100 fois moins de participants et d’épreuves les compétitions de voltige ont une exposition largement supérieure à votre pratique de cross-country. Sans parler du speed-riding qui envoie le bois en cassant le petit. Au moins vous pouvez en faire à la morte saison, il est d’une nature plus complémentaire que de substitution au parapente. Vous faites une OPA sur la caisse du delta mais en l’ouvrant, peau de balle. Vous récupérez tout de même une partie des Statuts Haut Niveau delta, ce qui vous donne un répit provisoire. Car dans le même temps les autres fédés sportives se battent pour leur quota SHN (qui en gros doivent être divisés par 3 en 3 ans au niveau national toutes disciplines confondues) et vous voyez vos camarades tomber au combat alors qu’ils étaient dans les objectifs assignés. Vous êtes hautement substituables, soyez-en convaincus!

Alors soyez cool, mais hyper cool, avec votre entraineur, sélectionneur ou référent, il a le pouvoir de vous zapper (essayez par exemple des chocolats pour Noël).

Conclusion

Voila, vous n’avez pas volé, vos tentatives de manœuvre n’ont pas porté leurs fruits et vous n’avez pas amélioré votre position. Mal barrée votre affaire. Puisque le prêt, euh non, l’emprunt à Porter n’a pas fonctionné, pas de chance, il faudra dorénavant penser à mieux voler pour faire des résultats.

Et je serai là, devant vous, un peu au-dessus!

7 réflexions sur « Prêt à Porter »

  1. Salut Maxime,
    Je lis vraiment souvent ton blog qui est vraiment très enrichissant !
    Par contre, fermer Font-Romeu !! Non faut surtout pas faire ça, c’est trop bien (à part l’internat quand même) ! 😉
    On se verra certainement sur les A cette année (ou autres compètes).
    Ciao et bon début de saison.
    Un autre Maxime.

  2. Il est vrai que je n’ai pas précisé que tout cela est à prendre au second degré… mais tu avais saisi 😉

    Et le Marco il en a encore beaucoup en réserve de mes homonymes qui pushent? Pour raconter une histoire: dans ma génération les Maxime étaient très rares (born in 65!). Durant une seule année de mes longues études j’ai eu un autre Maxime dans tout l’établissement. Alors quand notre prénom est devenu plus populaire, il y a une vingtaine d’années, j’ai commencé à sursauter en faisant mes courses. Dans les supermarchés je n’arrêtais pas d’entendre "Maxime ne touche pas ça", "Maxime fais pas ci". Parce que chaque fois que j’entendais mon prénom, j’étais persuadé qu’on s’adressait à moi, n’étant pas habitué à autre chose!

    Au plaisir de te rencontrer d’ici un mois ou deux!

    Maxime

  3. Oui j’avais compris que c’était au second degré.
    Ah comme autre Maxime qui est passé au pôle, il y a Max Poirette (lui aussi pousse fort 🙂 ). Après je ne sais pas.
    Mais pour le moment Marco n’en a plus en stock !
    De toute façon, il va y avoir trop de Maxime en A cette année (quatre en tout quand même, on pourrait presque faire un team Maximum lol) !

    A bientôt (surement pour l’entraînement compétition).

    Maxime P

  4. Salut Max!!

    Ooohhhh la laaaaa!!!!
    Faut vraiment qu’il refasse beau et que les compets reprennent……ca deviens trop long, j’en ai marre de lire moi!! ^^ lol

    En tt cas post très intéressant comme d’habitude. Chui d’accord avec toi, faut le fermer ce pole…..push trop fort ces jeun’s….hein le Max!!! 😉
    Non faut le garder, on rigole bien avec eux sur nos compets Pyrénéennes!!!

    A très bientôt les 2 Max!!

    Benoit

  5. Tu me préviendras quand tu auras fait tes 10000 heures de compet, que je vois si t’es champion du monde :))

Les commentaires sont fermés.