Le premier week-end d’octobre nous a réservé une bien belle journée dimanche. Mon programme de marche et vole de l’année ne s’est pas déroulé comme prévu, peu importe. Une dernière opportunité nous est offerte avec le Raid Chamois d’aller nous promener en montagne et dans les airs. Un peu à l’improviste nous décidons avec Laurie de nous inscrire, elle sur sa forme du Red Bull Elements, moi sur rien du tout. Nous voulons faire cette course en binôme, chacun dans ses chaussures et sous sa voile. Ce qui s’est traduit pour elle par de multiples attentes interminables dans le premier 1500 D+. Et pour moi par le rôle beaucoup plus plaisant du poisson pilote en vol par la suite. Ça existe un oiseau pilote?
Diverses avanies ont fait que ma condition physique du jour est juste déplorable. Aller courir dans la montagne en tee-shirt sous la pluie le samedi soir, veille de l’épreuve, n’a certainement pas été ma meilleure idée du week-end, à défaut de me donner la fièvre du jour. Les jeunes bouquetins me regardent bizarrement, reconnaissant sans aucun doute un lointain parent de la famille des chèvres. Je n’ai jamais été un cabri à la montée, là je me sens plutôt limace qui se traine en bavant. Je me sens surtout en décalage avec le nom de l’épreuve en passant une petite heure de trop dans la montée. Je touche le fond 100m sous le sommet de notre première balise, la pointe des Frettes au sud de la Tournette, lorsqu’un groupe d’une demi-douzaine de citadins, sûrement des Lyonnais, me dépasse en grosses, pantalon de ski et guêtres hautes, sans oublier la carte sous plastique en bandoulière autour du cou. Je crache mes dernières glaires, me ravitaille et définis un plan simple pour le reste de la journée: profiter au maximum des km faits en vol.
Première conséquence, nous n’irons pas à Sulens qui est une balise optionnelle. Trop de risques de planter sous la balise dans le Sud puis de faire une pauvre fléchette sur Thônes. Heureusement que je ne suis pas monté trop vite, l’humidité s’est bien dissipée et les plafonds permettent de jouer aux barbules. Nous décollons dans le thermique, prenons un peu de gaz en profitant du panorama puis astiquons bien des faces Est de la Tournette pour passer haut au-dessus de Thônes. Enfin, surtout Laurie qui a perdu les balises dans son GPS (entre autres) et prend la vague extérieure de mon sillage pour assurer les points de virage du parcours.
Nous raccrochons le Lachat de Thônes, enquillons la pointe de la Queblette et prenons le temps dans les ravines pour remettre Laurie à hauteur de crête. Plus loin je marque les thermiques en route vers la tête à Turpin, un endroit toujours aussi inconfortable pour patienter, à croire qu’il s’agissait d’un garçon ne sachant pas où donner de la tête. J’aimerais avancer plus vite car de l’autre côté la base du nuage est plus basse que notre altitude, mais Laurie ne peut pas le voir. Nous contournons l’affaire puis allons réviser la table de 8 dans la face Sud bien éclairée mais peu généreuse du Parmelan. Ce qui me laisse amplement le temps de stresser à la recherche du câble inutile et non balisé qui descend du plateau. Lorsque je crois voir un oiseau je le découvre enfin. Ce que j’ai pris pour un oiseau est une entretoise qui tient écartés les deux filins. À moins que mes problèmes de vue ne me conduisent à loucher. Bref, nous passons en-dessous prêts à décrocher si notre route croise un thermique. Mais il faut croire que les câbles doivent être électrifiés pour générer des ascendances.
Nous tournons la balise du chalet Chapuis en jouant sur la lèvre de la mer de nuages qui recouvre la plaine, moi au-dessus, Laurie au-dessous. Je mets le cap sur le Veyrier, balise optionnelle, prêt à poser à la tour Télécom pour remonter à pied décoller au col des Sauts. Cela me semble aussi le chemin le moins incertain vers le bout du Lac. Mais Laurie temporise au Parmelan et nous nous perdons. Je finis par raccrocher le Veyrier, ouf, d’autant plus que la découverte de l’aire d’envol minuscule, surpeuplée et pas hyper bien alimentée me donne un petit frisson rétrospectif. Ce déco porte bien le nom de son col.
Je cherche Laurie un peu partout, dans la gorge du Fier, contre les faces Est du Veyrier, sur la transition vers Alex, au Col des Contrebandiers, pas de petite Sky blanche et orange. Je raccroche Planfait, scrute les voiles étalées au déco comme à l’attéro en slalomant entre les plots (sans I ni E) volants Allemands ou Bataves, toujours pas de Kéa. Lassé de ces compagnons encombrants et malhabiles je décide de me jeter sur le plateau à Rovagny pour remonter à pied décoller de Coche Cabane et boucler ce parcours.
Il s’avère une fois posé que nous nous sommes ratés de peu. Laurie arrive sur Planfait depuis le col de Bluffy. J’attaque la montée en pensant qu’elle me rattrapera avant d’arriver au déco. Mais je prends des raccourcis qui n’existent plus, croyant bêtement en la carte topo du coin. Je débroussaille et ouvre un nouveau chemin en mode sanglier. Avec un peu de Bétadine mes tibias oublieront vite ce hors-piste. Heureusement pour elle, Laurie n’a pas de connexion ni de carte et remonte tranquillement par la route jusqu’à Montmin. Je boucle avec 1h30 d’avance sur l’heure limite, Laurie juste derrière. Nous ne nous serions pas perdus, je ne crois pas que nous aurions eu l’envie de traverser le lac pour aller chercher la balise du Roc qui affleurait sur Entrevernes avant de revenir faire cette dernière balise de Coche Cabane. Aucun regret, nous avons fait ce raid ensemble, même quand nous n’étions plus en visu l’un de l’autre, en prenant un grand plaisir à réaliser ce magnifique grand tour de la Tournette.
En synthèse une très belle journée d’automne, une bonne balade en montagne, un joli petit cross, de la lumière superbe du début à la fin de la journée. Bravo à Julien qui est le seul à enfiler toutes les balises dans le bon sens. Merci aux organisateurs pour cette épreuve et à Nervures pour ce très joli sac reçu en cadeau!