J’ai 460 points d’avance sur le second avant cette dernière manche. Mon esprit oscille entre calculs et tout à bloc. Par exemple, en fonction du nombre de pilotes au but, je me dis que je dois assurer au moins les 2/3 du parcours. Et puis en fait, comme je suis dans une bonne série de manches bouclées, je me dis que je n’ai qu’à boucler celle-là et puis ce sera bon. Mais je n’ai pas confiance dans la prévision d’émagramme, cela sent très fort la stabilité et le fort gradient de vent. Je m’intoxique tout seul quand le vent est cul au déco ou que les dusts passent au milieu des voiles étalées. Au cours des 4 premières manches j’ai décollé le premier, là je tourne en rond.
Puis mes challengers décollent, il faut y aller. Les conditions sont niaiseuses, et Julien comme Pierre sont à plus de 3200m au start alors que je végète à 2200m. Je prends mon mal en patience, je me fous de ce qu’ils font, je dois boucler. Alors j’enroule des pets de mouche sur les hauts de grappe, et cela monte doucement, et comme lors de la 2ème manche, je retrouve Martin. Il me tire vers le col, par la montagne, alors que je ne suis jamais passé par cet axe avant. Je lui fais confiance, nous volons souvent de la même manière. Nous raccrochons péniblement, il s’extrait avec un vautour, j’ai peur de l’effet bagnard de son thermique le long de la pente, je patiente dans du petit, j’avance prudemment vers un collu que je passe à 1800m en me demandant combien d’heures de marche sont nécessaires si je pose dans la pente bien faible. Là je me dis qu’il faut me réveiller, l’ensemble de la compétition est en train de se jouer, pas uniquement la manche.
Je surveille ma vue: pas de problème aujourd’hui, tout va bien, je me force à cligner souvent de l’œil pour le nettoyer. Alors autant me servir pleinement de tous mes sens.
Et enfin, après le col, un poil sous le vent, je trouve la solution. Un thermique qui me monte, que je décale petit à petit pour me positionner au-dessus de la nationale menant à Avila et au but. Je perce l’inversion vers 2600, je traverse une couche turbulente vers 3000, le vario s’améliore sans cesse de même que ma dérive qui dépasse les 30km/h à 3300.
Je fais mes calculs en enroulant: peu importe la B1, elle est à mes pieds et sur mon chemin, je suis certain de la claquer. Je me concentre sur le but: j’en suis alors à 27km, à 10 de finesse il me faut un peu plus de 3700 pour le plané final. Je quitte le thermique à 3750m, 26km du but, un peu moins de 10 de finesse, feu! Une espèce de confluence dans le bleu me fait monter à 3900m en ligne droite. Je passe les 90km/h lorsque j’accélère dans les zones qui ne portent pas, je fais la course avec les petites voitures là-bas en bas. A 3km du but, je suis à 6 de finesse dans une zone qui s’écroule, je profite d’un bouillonnement pour faire un tour et voir que Martin est juste derrière, un poil plus bas, puis un deuxième tour pour assurer, et je passe la ligne en poussant un grand cri de bonheur. Deux ou trois, d’ailleurs, peut-être.
Enorme moment de joie partagée à l’attéro avec Martin, puis avec les suivants qui bouclent pensant avoir gagné et en nous demandant d’où nous sommes sortis!
Un grand moment celle là… Je découvre ton blog, c’est très sympa: en plus des souvenirs de compet que ça engendre, c’est très intéressant de voir le travail de ton mental!!
C’est ta nouvelle thérapie? ;))