Quelle année étrange! Après deux mois et demi de confinement à regarder des cieux de folie depuis le plancher des vaches, la période post-confinement est marquée par un nombre incroyable de journées à record pour le vol de plaine en France. J’ai passé certaines de ces journées à regarder le live-tracking, à tondre la pelouse en Savoie, à maugréer après un tas pathétique, à finir par faire du gonflage ou encore à rêver d’un treuil pour pouvoir me mettre en l’air. Et puis sur une journée estimée à 200 / 250 km de potentiel, je fais mon plus long vol en distance et en temps passé en l’air. Étrange je vous dis.
Avec Olivier, Fred et Simon nous arrivons sur site à 10 heures, il ne fallait pas plus tarder. Nous sommes à La Comté, une commune du Pas de Calais bien accueillante. Martin qui a raté son train d’une minute après s’être levé à 5h du matin n’est pas du voyage mais bien présent dans notre projet. TopMeteo ne s’est pas trompé, ce samedi 11 juillet 2020 sera une belle journée.
Ni une, ni deux
Je n’ai pas le temps de manger mon sandwich de supermarché qu’un bon cycle arrive et qu’il faut décoller. En gonflant vent de travers je décolle dans une glissade sur le côté gauche. Je prends le temps de vérifier ma poignée avant de faire demi-tour, passant tout juste sous le niveau du déco, ce qui doit me laisser une bonne trentaine de mètres de marge sur le bas de la pente, et pan! Sortie directe dans un 3 m/s après moins d’une minute de vol, dans une bonne grappe de pilotes bien mis en température par les couches de vêtements prévues pour résister aux quelques degrés positifs attendus au plafond.
Le début de vol est excellent, les conditions fumantes, le groupe rapide. Je vole en compagnie de Greg, Franck et Denis qui n’ont manifestement pas le projet d’acheter du terrain entre Béthune et Saint-Quentin. À midi vingt, avant le km 100, nous arrivons sur Saint-Quentin. Nous rencontrons à ce moment un gros creux, un énorme changement de rythme. Les cumulus sont à peine plus étalés qu’auparavant.
Allant de tache de soleil en champ de blé, nous rebondissons comme nous pouvons jusqu’à Laon. Je ne sais toujours pas comment cela se prononce mais j’y ai placé un point de virage pour prendre une décision entre une route à l’Est de Vatry et une autre à l’Ouest. J’en avais même une troisième entre Saint-Dizier et Nancy. Ce sera cap au Sud, entre Paris et Vatry pour suivre la courbure du vent.
Éclatement
Le groupe se forme et se déforme, des pilotes parviennent même à nous rattraper. Je m’en sors bien avec Gregos, nous avançons un bon moment côté à côte puis il prend une queue de thermique et me laisse en galère. Nous étions pourtant à moins de 100 m de distance, je suis venu immédiatement en-dessous de lui, mais il a pris 500 m alors que je ne touchai rien. C’est trop injuste.
Arrivent 14h30 et l’instant clé qui change un joli vol en journée dingue. Je réussis un sauvetage à moins de 100 m/sol, pas loin de Régis qui pose en remontant au vent chercher du thermique. Je vise un superbe coteau au soleil, bien exposé au vent, avec un village en contrebas, des prés dans la pente, des arbres à la rupture de pente et un magnifique autant que vaste champ de blé sur le plateau. Bingo, je touche le thermique sur l’arête et l’exploite pendant 14 longues minutes pour m’en sortir. Des fois, c’est bon quand c’est long.
Back in the game
Enfin j’en termine avec ces trois heures de galère à radasser. Je retrouve des plafonds agréables et autre chose que des 0.5 et des 0.8 m/s à enrouler pendant des éternités. La masse d’air reste pénible, je suis seul, je pousse beaucoup moins l’accélo, je tiens ma voile aux freins, ma tête dodeline, je suis fatigué. Mon interprétation de cette masse d’air pénible avec une dérive faible est qu’elle n’apprécie pas la rotation progressive sur presque 90° de l’orientation du vent au cours de la journée. Ou pas. Toujours est-il qu’elle est bien pénible (si jamais je ne l’avais pas déjà dit).
Vers 17h la masse d’air s’assèche. C’est beau, c’est magique, tous les cums fonctionnent, les plafonds montent, la dérive augmente. Pourtant je suis coincé sous le FL65 de Paris 7.1 qui doit être inactive en week-end et m’autorise certainement le FL85. Le truc c’est que j’ai préparé mon vol en me limitant au FL65, vu les plafonds annoncés, et que souvent nous faisons mieux que la prévision. Le fait de ne pas monter au plafond me fait avancer plus vite, au final j’y gagne peut-être car je ne passerai plus sous les 1000 m/sol dans les 4 heures qui suivront, contre 12 fois depuis le début du vol.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté. Luxe, calme et volupté.
Je reprends du plaisir en vol et me motive pour bien finir la journée, pour en exploiter tout le potentiel. Les messages de JC viennent conforter mon envie de prendre tout ce qui est à prendre aujourd’hui. Je suis les derniers fumulus jusqu’à 19h, réalise mon dernier gros plafond à la limite de l’inversion bien visible en regardant en direction du soleil qui baisse inexorablement sur l’horizon. Bientôt mon regard ne se dirige plus que vers le sol pour trouver les bonnes cultures, les limites de forêt, les coteaux bien exposés, les attéros possibles.
J’essaye de suivre une ligne moyenne entre dérive du vent (qui enfin augmente en valeur) et éloignement de mon point de départ, enfin je rebondis dans tout ce que je trouve de positif en me préoccupant des champs posables lors du survol de zones boisées. Justement, une moissonneuse batteuse encore au travail à 20h30 dans une clairière me permet de passer la dernière forêt. Ce pied quand ça marche! Bien bas, je n’ose prospecter un appui dynamique qui aurait pu donner à 20h45. Je pose à 20h49, après plus de 10 heures de vol, 370 km plus loin (347 en ligne droite), au soleil couchant derrière une colline de la Nièvre, en repensant à ces concours du dernier posé que je faisais lors de mes premiers stages. L’aventure de la récup commence.
Pas de photos, pas de vidéos, tout est dans ma tête. Remercions Sylvain Mathon pour l’animation et l’équipe d’XC Analytics pour l’analyse du vol et leur bonne humeur (bien content les gars d’être allé aussi loin avec un vario moyen à 1.2 m/s et une dérive moyenne à 18 km/h, désolé pour le temps au tour digne d’un Airbus, mais les 0.2 m/s ça ne se prend pas sur la tranche!).
Top récit et super vol. Content pour toi. Combien ta moyenne au tour? 😱