Au détour d’une lecture dominicale matinale, l’envie me prend de poser quelques mots. Deux en particulier. Risque. Incertitude. Ils sont décrits et par Frank H. Knight et même théorisés dans son ouvrage Risk, Uncertainty, and Profit. Je vous ferai grâce du troisième terme. Les plus entreprenants d’entre vous auront intérêt à explorer ses relations aux deux précédents. Que pouvons-nous tirer de cette théorie datant de 1921 (!) dans notre pratique? Commençons par une petite vidéo dans laquelle vous remplacerez « entrepreneur » ou « manager » par « pilote de parapente »:
Notons tout d’abord une focalisation. Cette théorie est reprise en Français sous le nom de « Théorie du risque ». Nos instances mettent en place une « Gestion du Risque ». Or les termes sont importants et dénotent une mauvaise compréhension du phénomène et donc les réponses apportées « risquent » de ne pas être appropriées. Distinguons donc ces deux notions qui visent à dépeindre l’avenir.
Le risque est une approche probabiliste. La liste des états futurs est connu, leur gravité potentielle est établie, les relations de cause à effet entre – par exemple – décision et résultat sont claires, la probabilité d’occurrence de chaque situation est déterminée. Les assureurs peuvent alors lancer leurs actuaires. Dans une vision simplifiée mais opérationnelle, le risque est mis en équation pour être égal à sa gravité que multiplie sa probabilité. Au lieu d’une simple opération arithmétique, un tableau à double entrée peut également être bien utile. Les assureurs sont alors en mesure d’assurer un risque mesurable, le guide peut décider de s’engager dans un couloir.
A ce stade, relevons que l’approche est bien statistique. L’assureur va gagner ou perdre sur chaque dossier, mais à la fin il en tire un profit. Pour le guide, ou le moniteur de parapente… vous voyez où je veux en venir, les répercussions seront bien plus traumatisantes. J’ai déjà eu l’occasion de publier un certain nombre de billets sur la sécurité en général ou les risques en particulier.
Dans mon livre ou mes conférences, j’ai toujours été clair sur la distinction entre risque sportif et risque physique. Un instant, ce matin, j’ai cru pouvoir enfin utiliser un vocabulaire adapté et spécialisé. Mais ce ne sera pas le cas. Le risque physique ne sera pas le simple risque, le risque sportif ne sera pas la simple incertitude. Ni l’inverse d’ailleurs.
Penchons-nous alors sur ce concept d’incertitude. Je l’avais déjà abordé en vous présentant les bases de l’approche VUCA, un concept guerrier décliné dans sa version managériale et qu’il est possible d’utiliser dans notre pratique. Le principe de l’incertitude, c’est l’inconnu. Tautologie? Peut-être. Précisons: le non calculable. Explorons: pas de paramètre disponible à la mesure certaine, conséquences inconnues ou multiples d’une action, succession nécessaire de choix, complexité des interactions entre facteurs indépendants… Est-ce que cela ne vous rappelle pas quelque chose? Est-ce que cela ne vous parle pas un peu plus que le simple « risque calculé », le « calcul des marges » ou « l’analyse des risques »?
L’inconnu du futur dans un monde pourtant connu. Un monde auquel nous sommes formés, dans lequel nous évoluons, qui construit notre expérience. La clé de la réussite (pour obtenir un profit) en situation d’incertitude, est le jugement. Plus exactement, de faire le moins possible de mauvais jugements. D’où l’importance critique de la formation et du vécu.
Le droit et notre société n’aiment pas l’incertitude. Parce qu’il faut un responsable, parce que l’absence de relation établie à coup sûr entre cause et effet conduirait à l’absence de faute. Parce qu’en tel cas, la faute ne serait plus celle de l’individu qui est naturellement conduit à produire des erreurs en situation d’incertitude, mais au système qui le forme, l’encadre, lui permet la pratique. Responsable mais pas coupable, l’expression est connue. Pourtant l’heure me semble venue d’accepter l’incertitude et de nous y préparer.
Bons vols à tous