Tempo… Quelle tempo? Synchro!

L’année dernière j’ai commencé à apprendre le métier de moniteur de parapente. J’ai découvert différentes méthodes d’enseignement en intervenant dans plusieurs écoles. Comme souvent, la diversité crée la richesse et j’ai beaucoup appris de ces expériences au cours de mes premières semaines de stage. Les bases sont les mêmes pour tous mais la mise en œuvre et la philosophie de la pédagogie dépendent de chaque école, voire de chaque moniteur. Je vais poursuivre cette formation cet été pour finir mon apprentissage et décrocher ce diplôme. Je commence à me faire ma propre idée des bonnes pratiques.

Tempo... Quelle tempo? Synchro!

J’ai aussi vu des pratiques, générales ou locales, qui me semblent pouvoir être améliorées. J’aimerais pouvoir contribuer à leur amélioration. Je ne suis pas vraiment dans le système alors je vais procéder avec précaution pour ne pas dire de bêtise ou passer pour un prétentieux.

Temporisation

Par exemple, le terme « tempo » est utilisé dans le parapente pour décrire deux actions techniques et une action tactique. Cela fait beaucoup pour un seul mot. Le mot complet est d’ailleurs « temporisation ». Evacuons rapidement le volet tactique: une temporisation consiste à se donner un peu de temps avant de prendre une décision et s’y engager. Cela fait sens et n’est que très rarement une instruction donnée par un moniteur à un élève, donc cela ne pose pas trop de souci.

Tempo... Quelle tempo? Synchro!

En revanche, sur le plan technique, « tempo » est bien une instruction de guidage et il faudrait clarifier la situation. J’ai l’impression que dans la mesure où cette instruction est donnée d’une part au sol et d’autre part en l’air, cette séparation dans l’espace ne pose pas trop question. Mais en fait, les actions techniques sont bien différentes et si nous voulons former correctement des élèves, il faut utiliser un vocabulaire adapté avec un mot différent pour chaque concept.

Objectif en vol

En l’air, la temporisation consiste à prévenir une fermeture frontale dans l’abattée qui fait suite à une reprise de vitesse de l’aile. L’action de pilotage est un freinage profond et rapide suivi d’une remontée de mains progressive et complète, sans maintien du freinage. Le point technique consiste à retarder cette action pour que l’aile puisse revoler et reprendre un maximum de vitesse, certainement après une remise en vol ou une sortie de trop basse vitesse. Le bon timing (EDIT: tout comme la bonne amplitude) est subtil à trouver, puisqu’il se situe juste avant un état que nous ne voulons pas atteindre.

Tempo... Quelle tempo? Synchro!

Objectif à terre

Au sol, la temporisation est utilisée à la fin de la phase de gonflage et avant la prise de décision de décollage, laquelle sera suivie d’une accélération de l’ensemble voile et pilote. Elle consiste à prévenir un dépassement du pilote par son aile qui, étant partie de plus loin derrière le pilote, arrive au-dessus de lui avec une vitesse de vol supérieure à sa vitesse de course. L’action de pilotage est un freinage profond et rapide, avec un éventuel maintien du freinage. Il s’agit de ne pas faire repartir l’aile en arrière.

Je vous ai parlé de philosophie plus haut, en voici pour les stages initiation: certains préfèrent demander systématiquement cette action, dès les premiers gonflages, puis en toute situation de décollage, afin de l’ancrer profondément dans l’esprit des élèves car elle relève de la sécurité; d’autres préfèrent adapter cette action et son instruction afin de développer les sensations et la qualité de pilotage des élèves. Les deux options se respectent et chacun se fait son avis (EDIT: dans les deux approches, une convergence s’opère au cours de la progression du pilote pour qu’il développe ses sensations et adapte ses actions). Pour ma part, quand la sécurité est en jeu, s’agissant d’élèves en initiation, ma philosophie est faite.

Synchronisation

Je crois possible d’améliorer l’instruction pour cette deuxième configuration, utilisée au sol, en déterminant un autre vocabulaire. J’ai appris de Mulder que des propositions ont déjà été faites, comme quoi ma réflexion ne se fait pas tout à fait dans le vide. Premier exemple entendu: « réception ». Il s’agit de recevoir la voile dans sa configuration de vol, de la réceptionner après son gonflage. Ce mot décrit la situation ou la phase d’un processus mais pas l’action à réaliser. Petit souci pratique, avec 3 syllabes, il est long à prononcer. Cela compte aussi. Autre exemple déjà soumis: « blocage ». Cela correspond à une action à exécuter par le pilote. Il peut se résumer par un cri: « bloque! ». Sa brièveté et l’intonation qui peut être utilisée est en phase avec un ordre teinté d’une préoccupation de sécurité. Avec ces qualités, il pourrait être repris pour l’action à réaliser en vol.

Tempo... Quelle tempo? Synchro!

Ma proposition est la suivante pour l’instruction au décollage: « synchronisation ». Ce mot est facile à annoncer brièvement et vivement et il ne se confond avec aucun autre: « synchro! ». Il décrit à la fois la situation et l’action. C’est pour ces raisons que je le trouve vraiment bon. Il ne s’agit pas en fait de réceptionner ou de bloquer la voile. L’objectif à atteindre systématiquement, pour tout pilote de tout niveau et pour tout décollage, de synchroniser la vitesse de vol de l’aile avec la vitesse de course du pilote. Il ne parle pas simplement d’une action sur la vitesse de l’aile à réguler aux freins mais couvre aussi la vitesse de déplacement du pilote. Ces aspects pratiques et universels m’encouragent à faire cette proposition à tous: essayons d’améliorer nos pratiques et utilisons « synchro! » pour assurer une bonne mise en vol de nos pilotes!

6 réflexions sur « Tempo… Quelle tempo? Synchro! »

  1. Bonjour Maxime,

    Et merci pour ce partage de réflexions qui, en l’occurrence, clarifie bien la nécessité de faire la distinction entre des situations différentes et les actions qui en découlent par leurs explications, mais aussi par le vocabulaire employé pour chacune d’elles. Et je partage ton avis que ce vocabulaire se doit d’être différent.
    En tant qu' »apprenant » c’est un effort que j’apprécie.
    Peut-être que cette problématique pourrait faire l’échange d’avis entre les pratiquants et les formateurs lors des, très utiles, sessions du programme « Voler mieux ».
    Amitiés,

  2. hello maxime, très bien ta démarche, tu vas en voir des vertes et des pas mures. Tout le monde veut bien faire et ça manque souvent à mon avis de rigueur et précisions sur les mots utilisés, et cela à tous les stades de l’apprentissage…

    quelques exemples:
    – on propose aux pilotes de faire du roulis en l’air dés les premiers vols , alors qu’on leurs fait faire des wings peu inclinés. Le mot roulis est faux mais en permanence utilisé . Faire du roulis est possible mais c’est une autre technique.

    – comme toi le mot temporisation (freinage profond) en fin de gonflage est pour moi la conséquence d’un mauvais gonflage (trop de puissance). Si la montée de voile est dosée, matrisée, un controle aux freins ou une réception de la voile aux freins est suffisante.

    -le mot temporisation sans explication prete à confusion au sol car le pilote ne sait pas si c’est son corps qui doit temporiser (arreter d’avancer ou de résister) ou si c’est une action au freins …

    – dans ton analyse , oui la tempo en vol pour limiter un mvt rapide vers l’avant de la voile doit se faire à partir du moment où la voile est à la verticale du pilote. Et toujours à mon avis une fermeture frontale arrive la plupart du temps par cisaillement aérologique et non suite à une abattée trop forte (fermeture en masse).

    – pour moi ne rien faire tout de suite aprés un incident est une « action » à part entière, que j’explique au pilote et que je guide à la radio. Le surpilotage suite à un incident de vol est souvent lié à ce moment de » non action » (analyse, observation, attente du retour pendulaire du pilote) non réalisé.
    Concretement , ne rien faire tout de suite aprés une frontale est salvateur, en attendant le retour pendulaire.
    Pareil sur une grosse abattée non controlée entrainant une fermeture frontale ou asy , le retour pendulaire du pilote sera tellement important (long) qu’il faut attendre avant d’agir .

    – les pilotes comme les moniteurs utilisent , donnent bcp de conseils, rapportent ce qu’on leurs a dit,….. il manque la plupart du temps le « contexte » .
    Un ex concret:
    suite à une fermeture asymétrique de 45% le pilote ne devra pas faire la même chose selon le matériel qu’il utilise. Donc un pilote peut avoir 3 messages (conseil) différents ou le percevoir comme tel si le contexte du conseil n’est pas posé.

    L’enseignement est passionnant.

    Bienvenu au club 🙂
    jérôme canaud

  3. Bonjour Maxime,

    Tu dis “l’année dernière j’ai commencé à apprendre le métier de moniteur de parapente”, moi celui de pilote. Donc ma réaction se base sur une très très faible expérience.
    J’aime beaucoup la démarche. Car derrière le choix d’un mot se cache beaucoup, et la réflexion pour choisir le bon est tout aussi importante.

    J’aime bien le mot synchro pour la réception.
    Je vais tester sur mes prochaines séances de gonflage cette nouvelle formulation.
    En gros, dans ma tête ou à voix haute, ça donne « Je gonfle [je gonfle je gonfle] synchrôôôôôôôô je check mise en glisse ».

    J’aime pas trop le mot “bloque”. Parce que d’une c’est pas ça qu’on fait, le système pilote+voile est à ce moment en mouvement, même si statique par rapport au sol en cas de fort vent.

    Et surtout parce qu’il est trop proche du mot STOP. Phonétiquement et en sens.
    Mon prof nous avait dit : vous êtes toujours maître à bord. Y a qu’une seule instruction où vous devez m’écouter, c’est stop.
    Et la confusion d’entendre stop (je décolle pas), et de l’assimiler à bloque pour une réception d’aile est facile.

  4. Bonjour,

    Bravo pour ta réflexion qui apporte vraiment quelque chose, ainsi que celle de Jérôme.

    Gilles

  5. Salut maxime,

    Je pense qu’il serait intéressant que tu enseignes plusieurs années en école ainsi qu’ en stage pilotage ou siv pour te rendre compte qu’il y a des erreurs dans ton article. Une tempo peut être progressive et rélativement longue ou rapide et profonde . Il y a différentes façons de temporiser, l’objectif final étant de stopper l’abattée pour éviter la frontale donc peu importe le timing car il est différent pour chacun. Certains aiment freiner leur voile tard, d’autres tot. Viens suivre un moniteur siv en stage et je pense que tu changeras d’avis. Le mot tempo marche très bien en école quand il est bien expliqué dès le départ. anthony

    • Salut Antony,
      Merci de ton commentaire. Je me suis relu et tu as raison, je ne pensais pas avoir été aussi catégorique sur les actions de pilotage. J’aurais dû faire mention du dosage et de l’adaptation à la situation nécessaire à toute action (je vais ajouter un EDIT à mon texte). Jérôme m’a repris aussi et a développé cette idée intéressante de non-action comme une action de pilotage à part entière.
      J’allais te poser la question de savoir de quelle tempo tu parlais, avec une petite dose d’humour. Mais après réflexion j’ai l’impression que tu défends l’idée qu’une tempo est une tempo et que toutes les tempos sont identiques. Et là, nous ne serons pas d’accord, que nous ayons notre qualification SIV ou pas. Cette différence, c’est tout ce que je défends dans cet article.

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