L’objet de cet article rédigé par l’équipe du Pôle Espoir de Font-Romeu est la conceptualisation mathématique du contrôle en parapente dans un cas (presque…) général.
Avant d’entrer dans nos élucubrations mathématiques, il convient déjà de définir en bon français ce qu’est le contrôle en parapente. Nous aimons dire: “La capacité à revenir à la verticale de l’adversaire le plus proche du but avant qu’il ne passe la ligne ou l’arrêt des points temps.”
C’est la définition à minima d’un match nul contre le meilleur de la manche du jour.
De cette affirmation et pour le confort de notre démonstration nous choisissons dans un premier temps de nous intéresser uniquement à un cas général ne prenant pas en compte la ligne d’arrivée (on verra plus tard). Nous choisissons aussi de considérer deux pilotes que l’on nommera A et B en nous plaçant dans le cas où A veut exercer un contrôle sur B. Il se déplace toujours dans sa direction. De sorte qu’une dimension de l’espace est négligeable puisque les pilotes évoluent toujours dans le même plan.
Les pilotes vont où ils veulent, ils ne volent pas nécessairement au McCready, ils enroulent, prospectent, cheminent, reviennent éventuellement, font des erreurs… On ne présage pas de leurs comportements à priori, ni de leurs positions initiales. Pour simplifier encore un tout petit peu, on va juste s’assurer que B est plus avancé sur le parcours que A.
On va effectivement écrire des équations mouvements pour les deux voiles sur l’axe X (droite horizontale séparant les deux voiles ) et Y (droite verticale séparant les deux voiles). Comme présenté en introduction, il n’y a pas d’axe Z, A veut revenir sur B, les voiles sont dans le même plan.
NB pour les moins matheux : Une équation de mouvement permet simplement de décrire (comme son nom l’indique) le mouvement d’un mobile dans le temps et de lui trouver une position finale en fonction de sa position initiale et de sa vitesse. Par exemple sur un 100m d’athlétisme si ma vitesse est constante à 10m par seconde et que je me situe à 50m, il est facile de comprendre qu’il ne me reste que 5 secondes à courir.
L’équation se présente sous la forme de X = X1 + V * ∆T
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X est la position finale.
X1 la position initiale.
V est la vitesse.
∆T est le temps.
Dans notre exemple : 100 = 50 + 10 * ∆T donne bien 5 pour ∆T.
Voyons donc pour nos voiles! Ici le mouvement des voiles est donc décrit sur deux axes : X et Y. Il n’y a rien de différent avec l’exemple de la piste d’athlétisme ci-dessus.
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Xa, Ya, Xb, Yb est la position finale de la voile a ou b sur l’axe respectif (x ou y).
Xa1, Ya1, Xb1, Yb1 est la position initiale de la voile a ou b sur l’axe respectif (x ou y).
Vax, Vay, Vbx, Vby est la vitesse de la voile a ou b sur l’axe respectif (x ou y).
∆T est le temps.
Merci d’être arrivé jusqu’ici! C’est maintenant que la démonstration commence.
La notion de contrôle impose que le pilote A revienne sur le même axe vertical que le pilote B. Qu’il réussisse ou non, il doit essayer de revenir sur la même abscisse (le même X), que le pilote B. Nécessairement pour que cela se produise, la vitesse du pilote A doit être supérieure à celle du pilote B sur le plan défini par les deux voiles (Vax > Vbx). Dans le cas contraire il n’y a bien sûr jamais de contrôle.
Quand les deux pilotes seront sur le même axe, on peut donc écrire qu’il y aura potentiellement situation de contrôle lorsque Xa sera égal à Xb. Cela se produira au bout d’un temps donné, pour un certain ∆T.
Lorsque Xa = Xb Cela équivaut dans nos équations de mouvements à :
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Xa1 + Vax * ∆T = Xb1 + Vbx * ∆T
Vax * ∆T – Vbx * ∆T = Xb1 – Xa1
∆T (Vax – Vbx) = Xb1 – Xa1
∆T = (Xb1 – Xa1) / (Vax – Vbx)
Tant que la vitesse de A est supérieure à celle de B, on sait maintenant que les deux voiles seront alignés sur X au bout d’un certain temps (!). Il est possible d’exprimer ce laps de temps inconnu en fonction des paramètres de position initiale et de vitesse sur axe des deux voiles. Comme énoncé en introduction, pour qu’il y ait contrôle, il faut aussi que ce laps de temps ne permette pas à la voile B d’atteindre le goal! Imaginons donc que ce ne sera jamais le cas et continuons.
Pour qu’il y ait contrôle il faut surtout qu’à cet instant ∆T, le pilote A soit au dessus du pilote B. Cela indique que sa position sur Y soit aussi au final plus grande que celle du pilote B.
Sur le dessin ci-dessus finalement, seule la trajectoire rouge offre le contrôle. La grise arrive trop bas sur Y!
On peut donc écrire pour qu’il y ait contrôle Ya > Yb. Selon nos équations cela équivaut à :
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Ya1 + Vay * ∆T > Yb1 + Vby * ∆T
Ya1 – Yb1 > (Vby – Vay) * ∆T
Si l’on substitue ∆T par sa valeur estimée ci-dessus : (Xb1 – Xa1) / (Vax – Vbx)
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Ya1 – Yb1 > (Vby – Vay) * ((Xb1 – Xa1) / (Vax – Vbx))
(Ya1 – Yb1) / (Xb1 – Xa1) > (Vby – Vay) / (Vax – Vbx)
Pas très parlant ? Regardons de plus près!
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Ya1 – Yb1 est la différence d’altitude séparant les deux voiles au départ.
Xb1 – Xa1 est la différence de distance séparant les deux voiles au départ.
Vby – Vay est la différence de vitesse verticale entre les deux voiles.
Vax – Vbx est la différence de vitesse horizontale entre les deux voiles.
Il y a contrôle lorsque :
- La vitesse sur axe de A est supérieure à celle de B.
- Le temps nécessaire au rattrapage du pilote B ne lui permet pas d’aller au goal.
- Le rapport entre la hauteur et la distance séparant les deux voiles est supérieur à celui de la différence de leurs taux de chute par la différence de leurs vitesses.
La formule paraît logique sous bien des aspects. Par exemple, lorsque la vitesse verticale de la voile B augmente (ascendance), la différence de vitesse horizontale entre les voiles doit augmenter également pour conserver un rapport faible et une chance raisonnable de contrôle. Il y a d’autres cas particuliers qui s’expliquent tout aussi bien au travers de l’équation.
Toutefois, la démonstration semble apporter bien plus qu’une simple conceptualisation mathématique. D’abord elle permet à posteriori de débriefer et d’estimer éventuellement à partir de traces GPS si oui ou non, dans une situation donnée il y avait possibilité de contrôle. Ensuite, elle renseigne aussi réellement sur la façon dont nous gérons ces situations en parapente : principalement en observant un angle de plané potentiel et en essayant d’anticiper le mouvement de nos adversaires. Le rapport entre hauteur et distance est en effet l’expression de la tangente de l’angle 𝜶 défini ci-dessus. En d’autres termes, c’est l’angle de plané nécessaire pour atteindre la voile à contrôler.
Le contrôle n’est donc pas différent d’un atterrissage. Il faut simplement remplacer le terrain habituel par la voile du copain que l’on souhaite rejoindre et prendre en compte le fait qu’il peut subitement monter en thermique ou même décider de s’enfuir!