Si hier l’atmosphère était laiteuse aujourd’hui elle a été crémeuse. Nous nous sommes déplacés au Monte Cento sur les avant-reliefs de Valdobbiadene à l’est de Bassano. Le plafond était installé à 1600 m lorsque nous sommes arrivés et n’a pratiquement pas bougé de la journée. Comme me l’a soufflé un de mes camarades au but, aujourd’hui a été une journée comme les autres jours de cette semaine. C’est-à-dire que ce n’était pas ma journée.
Malgré trois décollages ratés sur une arête à la noix je fais un très bon start. Roi de la B1, prince de la B2, king of B3, je suis dans de bons groupes et sur de bonnes lignes. Nous sommes à 12 de finesse du goal, il faut passer à 8, nous allons pouvoir préparer la rentrée au but. Enfin cela va bien se passer jusqu’au bout. Le groupe que nous poursuivons par le travers n’est plus très bien. Ah si, il trouve une ogive! Quart de tour à gauche, allons les retrouver.
C’est alors qu’une faille dans le continuum espace-temps m’engloutit. L’air disparaît en-dessous de moi mais porte mes compagnons de vol, les thermiques m’évitent lorsqu’ils donnent la finesse pour le but à mes voisins. Je ne comprends plus rien, je descends… Tout à l’heure à l’aise au plafond, je suis soudainement bas. Je longe une cuvette qui remonte, je guette un rayon de soleil, je me vois déjà balancer mon casque dans un champ tel un tennisman perdant ses nerfs sur sa raquette, je garde les miens, je suis à 1500 m de la section vitesse à 100 m/sol, je touche un zéro, je le travaille, je dérive, je me maintiens, je sors, je remonte, je suis à 7 de finesse de la ligne virtuelle, je rentre.
Désabusé, pas encore résigné. Manche bouclée, bien dans le rythme, généralement juste. Le fluide reviendra, je le sens, le mojo n’est pas très loin. Je continue jusqu’au bout mon expérience de stratégie. Je tirerai les conclusions après la dernière manche.