A force de faire des journées découverte pour passagers valides ou handicapés l’envie m’a pris de faire des vols découverte en solo. Du vrai parapente, celui que les parapentistes normaux pratiquent. Pas du parapente du dimanche, ce serait injurieux et paradoxal (le parapente du dimanche c’est la compétition). Non, du parapente de tous les jours et pour tout le monde.
Vendredi, il est midi. Les prévisions ne sont pas glop sur les Bornes. Vent, chaleur et stabilité sont au programme. Peu importe ! Ce ne sont pas 12h de route qui nous font peur, pas plus que le coût de 1200km de mazout et de péages, sans parler des points de mon permis ce ne sont pas non plus la pollution et les encombrements du périphérique qui vont nous retenir. Après deux SMS échangés avec Laurie, c’est gaz!
Pour faire du vrai parapente il nous faut de vrais parapentes. Samedi nous avons la chance de pouvoir récupérer deux Antea 2 sorties du catalogue Sky. C’est avec ces EN-C, des voiles tout ce qu’il y a de plus standard, que nous pouvons nous lancer en immersion dans ce monde inconnu. Il faut dire à ce stade de l’histoire que je n’ai jamais volé en EN-C. A peine sorti de l’école avec 80 vols à mon actif je me suis acheté une EN-D. Quant à Laurie elle est née dans un parapente rose non homologué. Autant dire que nous partons dans l’inconnu.
Première bonne nouvelle, échanger l’Enzo pour l’Antea allège considérablement le sac. Deuxième bonne nouvelle, ça gonfle d’une facilité déconcertante. Il suffit de retrouver les A dans le plat de tagliatelles des élévateurs et de donner une toute petite impulsion. Paf, ça gonfle, ça prend forme, c’est homogène, ça monte sans tirer, et hop, vous volez! Un truc de fou ce parapente !
En l’air pas de surprise. La commande droite fait tourner à droite. Et la commande gauche à gauche. J’ai été épaté par la capacité à refermer le virage avec cette impression de tourner sur place. La voile me semble avoir un peu de roulis inverse. Après chaque entrée de thermique je me suis dit « tiens j’aurais dû tourner de l’autre côté ». En fait la voile communique bien, il suffit de parler sa langue. D’ailleurs elle parle d’une voix douce, assez souvent. Très différente d’une aile de course tendue comme une arbalète entre deux exclamations révélatrices de son caractère.
Après les thermiques, les transitions. Et oui, dans le parapente normal, c’est comme ça ! Pour planifier son vol il est très nécessaire de réviser à la baisse ses points d’aboutissement. J’avais redécouvert cela avec ma voile légère, tout comme cette impression face au vent de glisser vers le bas sur une surface vitrée verticale. Ces transitions sont plutôt sympa, un premier barreau ne fait pas trop de dégâts. Je me demande d’où vient ce tremblement et je me rappelle d’anciens vols en regardant les grosses suspentes de A et B vibrer dans le vent relatif.
L’après-midi nous gratifie d’un superbe vol au-dessus des Aravis. L’atmosphère limite l’horizon et la visibilité mais la chaine devant ou en-dessous de nous est belle. Mon mot d’ordre est cette réflexion entendue il y a une vingtaine d’années de la part de Gérald en radio alors que j’enroulais un peu proche d’une dalle sous la Pointe Percée: « Maxime, tu dois avoir du respect pour le relief ». Dimanche l’apnée nous emmène encore plus loin.
Nous fourrons deux Kea et des sellettes string pour une montée matinale et ombragée du Salève. Quelques litres de transpiration plus tard nous étalons en 3 minutes chrono, jouons un peu dans le vent avec ces voiles aussi douces à piloter qu’elles sont légères à porter, et décollons. Je suis un peu surpris par le tangage, sans conséquence pour autant. J’écourte une série de wings lorsque j’entends un chtong dans ma sellette. Il n’y avait aucun risque, pourtant la surprise du bruit émis par une sangle qui retrouve sa place m’incite à une fin de vol toute paisible. Après quelques allers et retours au relief en profitant de la fraicheur du vent relatif il est temps de survoler un bout de la plaine genevoise et de se rapprocher de l’atterrissage. Détruire son altitude, préparer son approche. La plage de vitesse est bonne, le placement précis. Un vol d’école avec une voile école.
Que du plaisir sur ces deux vols.