Bornes to Fly 2015: samedi 16 mai, jour 2/3

Je vais me lancer dans cette deuxième journée de course, la plus longue, 15 heures d’effort à fournir, après une nuit sans sommeil. Trop de fatigue et d’adrénaline additionnées d’un grand nombre de barres énergétiques. Je n’ai pas fermé l’œil. Sauf peut-être à un moment, quand vers minuit Laurie chuchote « – Maxime, tu dors? – Euh, non… – As-tu pensé à l’option de retour par Montlambert? – Hein??? – Non, laisse, dors ».


A 3h du matin, lassé de me retourner sans cesse dans mon duvet, je redescends de la chambre dans le salon du camion pour allumer la lumière et étudier cette option sur les cartes. Vent de Nord fort en Savoie et Haute-Savoie? La réponse est Montlambert! Secteur de vol pour un décollage matinal? Des faces Est! Mon plan de marche (et vol) est établi pour un décollage entre 12 et 13h de Montlambert pour aller raboter les faces Est de l’Arclusaz.

La montée au Pelat se passe bien. Je décolle vers 7h30, il était temps, le Nord commence à rentrer et l’humidité s’approche du sommet. Ma fléchette m’amène à mi-pente du col de la Cochette. Bizarre ce vent de vallée qui vient d’Albertville. J’ai hésité à l’exploiter pour voler jusqu’à Soucy et faire le rayon sans passer le col. Mais non, je reste dans mon plan et pose dans un champ liquide de rosée matinale. Je trempe tout, chaussures et voile, ça commence bien ces vols. J’hésite une nouvelle fois de l’autre côté du col mais il est trop tôt pour redécoller, il n’y a pas encore d’activité thermique et le gain de temps en incluant préparation et repliage n’est pas évident. Je vais aller faire la balise à pied. Chemin faisant, je vois les premiers rapaces enrouler, les premières barbules former puis les premiers pilotes rester en l’air. Laurie inspecte tous les décollages possibles de cette arête boisée. Rien en Ouest, quelques prés en Est. Ainsi soit-il, ce sera en Est au point haut des Tours de Montmayeur.

Arrivé là-haut je vois un premier pilote décoller, puis un second rate trois gonflages devant moi. Je patiente pour prendre ma place sur la petite aire d’envol. Ces 10 minutes d’attente ont peut-être été un gros gain au final. Je décolle ma voile bien lourde, pleine de rosée, en touchant les deux plumes et la sellette dans la végétation environnante. Mouais… Et tout de suite des bips. Je prends. Je suis en l’air, je vole, je monte, une nouvelle dimension vient de s’ouvrir dans cette course. Autant je monte mal à pied avec une voile dans le dos, autant je me débrouille à monter avec une aile au-dessus de ma tête. Premier plafond à 1100 m, je touche les premières barbules. Cela vole mais en plombant à Montlambert, rien sur le secteur Chamoux. Trois barbules s’allument sur l’arête en remontant vers Albertville. Profitons-en. Entre la seconde et la troisième cela commence à tenir à Montlambert. Puis entre la troisième et la quatrième cela sort. Côté Chamoux c’est gris, humide, pas beau. Je mets le clignotant à gauche et donne le signal à Laurie.

Au-dessus de l’attéro de Montlambert je fais deux tours pour reprendre un ou deux cônes. Puis je vise les deux prés qui encadrent la bifurcation pour la route de montée au décollage, là où il faut bien élargir à gauche pour entrer sur le chemin, les deux seuls prés du coin qui ne sont pas des vignes. Je suis en finale, je vois les arbres qui longent la route bouger, j’allonge un peu, cela tient, j’avance, je sens de l’air chaud, bingo! La bataille est homérique et je remonte de tout en bas à tout en haut. J’en ai fait quelques uns, en école ou en Coupe du Monde, des vols de Montlambert. Je repense à tous ces moments et toutes ces personnes que j’ai croisées ici. Je pense à tous ceux qui doivent me regarder remonter, sur le site et sur le live-tracking. Nous rêvons tous ensemble. Je fais le nuage à 1300 m et enchaine pour la suite du vol: les Tours, une aérologie intéressante au Col du Frêne, et enfin ces faces Est. De 8 en 8 j’essaye de m’agripper au plafond qui remonte un peu vers 1400 m, puis en arrivant vers le rayon de la balise le ciel est couvert à 8/8 et les conditions s’essoufflent. Je tourne la balise, retrace un bout de mon chemin, me pose, achète un peu de terrain pour déguster les excellentes ravioles de Laurie et c’est reparti pour quelques heures de marche.

Mon projet est de redécoller vers 17 ou 18h de Champ-Laurent. Le ciel est censé se rouvrir en fin de journée. Mais je me suis trompé dans la localisation exacte du décollage comme dans le temps de montée. Et je cale une nouvelle fois 100 m sous le col malgré les encouragements de Sylvain qui est venu m’accompagner. Heureusement Laurie me prodigue un soin combinant arnica mentholée et bombe de froid puis dégotte un décollage champêtre qui me permettra de limiter les dégâts. Il est 18h30 et je trouve encore du thermique. Je sens le bon plan! Enfin, je le sens jusqu’au village de La Table qui précède le fameux Pic de l’Huile. Je suis encore dans les 1000 m d’altitude lorsqu’un horrible catabatique venant des Belledonnes m’appuie dessus jusqu’à me poser avant même de pouvoir claquer le rayon de la balise. Au final le bilan de l’opération est nul ou négatif. Mais cela valait le coup d’essayer.

Il faudra donc retourner faire les magasins du centre-ville de la Rochette pour valider la balise. Je me dépêche, ils doivent fermer vers 19h30. Mon tracker tombe en rade dans le village. Je veux absolument valider la balise avec mon tracker en marche et nous perdons 10 minutes à déterrer câbles et accus de rechange. Je termine donc par 2 nouvelles heures de marche, pas hyper rapides, en croisant quelques-un de mes poursuivants. C’est l’occasion d’échanger quelques paroles de martyrs et de s’encourager mutuellement.

Le jour tombe, je suis content de cette belle journée, j’ai eu le temps de penser à la suite. Je dévore mon steak aux lentilles (ou du boulgour?), je vais mieux dormir, j’en aurai besoin demain.

2 réflexions sur « Bornes to Fly 2015: samedi 16 mai, jour 2/3 »

  1. Re merci pour ce récit qui confirme ce que disait Gérard D, tout en marchant d’un pas allègre, tu devrais retourner faire la coupe du monde … 😉

  2. Veni vedi vinci venu pour voir ce qu’était une compéte marche et vol ils ont frappés un grand coup ces deux la ,d’accord Maxime ce n’est pas Cesar mais au niveau stratégie de course rien a envier a ce dernier toujours 2 coups d’avance avec son assistante dans la méme logique de course,Chapeau bel hold up avec l’art la maniére et la sueur

Les commentaires sont fermés.