La manche est de 40.5km, direction le Sud, sans balise intermédiaire, avec de l’Est bien marqué. Dès la sortie de déco, la galère est engagée. Les conditions aérologiques sont pourries, ce que je crie d’ailleurs à Franck lorsqu’il finit par réussir à s’extraire après trois tentatives. Nous prenons le start ensemble et suivons une route légèrement au vent du cap vers le but, en suivant nuages et barbules. Nous passons sous le vent d’une crête à éoliennes, nous arrivons dans une combe, nous nous faisons bien brasser. J’ai à peine le temps de penser "dans quelle galère ai-je emmené Franck" (qui par ailleurs est un grand garçon), que je passe du -4 au +6, décro dynamique, le paquet derrière moi, les arbres en-dessous, ça rouvre, demi-voile droite cravatée, je contre à la sellette, ça tourne, je contre au frein, ça commence à partir, je remonte la main, je ne veux pas me laisser embarquer sous le vent de la crête, c’est plein de cailloux, les arbres sont tout près…
Mon premier secours, mon premier arbre
J’avais bien essayé d’ouvrir mon secours (hors SIV) en 2003, mais le pod était resté bloqué. Par chance, le sketch s’était bien terminé. Ce coup-ci, j’ai réussi à l’ouvrir du premier coup! Il s’ouvre lentement, stoppe la rotation, se déscratche de ma sellette et me prend en charge, ma voile shoote devant, j’ai à peine le temps de penser à l’affaler que, zing boum, les arbres (après analyse de ma trace GPS, j’ai ouvert 40m au-dessus des arbres). Ma voile est devant moi, elle chapeaute un feuillu. Mon secours est derrière moi, il chapeaute un épicéa. Je me balance donc dans le vide, trop loin de chacun des deux troncs. J’annonce mon problème en radio, fais un mark+enter et donne ma position GPS, et annonce que je suis à plus de 10m du sol, et que je n’ai pas du tout du tout envie de bouger. Pas d’hélico, merci, tout va bien, rien de cassé.
Ce sera donc une équipe de secours en montagne qui va venir me décrocher. 1h30 d’attente, 30 minutes d’opérations ensuite. Je bois un coup de temps en temps, je passe quelques coups de fil, le DE également m’appelle sur mon portable, je prends quelques photos. Forcément il y a quelques rafales du type de celle qui m’a envoyé ici (N48°19’40" et E008°07’44"). A un moment, l’une d’elle fait bouger ma voile, qui se décroche à moitié, et me rapproche un peu de l’épicéa. Je me raccroche aux branches comme je peux, et puis cela se stabilise jusqu’à ce que l’homme-écureuil vienne me décrocher. J’ai réussi à le convaincre de ne pas découper ma sellette ni ma voile, mais il y aura quand même quelques dégâts pour décrocher la voile et le secours.
Heureusement que voile et secours sont restés accrochés bien haut, j’étais à une vingtaine de mètres du sol (je vous avais dit qu’ils étaient grands ces arbres par ici). Passer à travers les branches jusqu’en bas ne me semblait pas être une option, cela aurait été de la chute libre.
Aucun bobo, le moral est bon. Juste quelques bleus de la corde passée autour du torse pour me descendre. Il ne reste plus que trois suspentes en état sur mon secours et cinq ou six sont sectionnées sur ma voile. Pas possible de réparer pour demain, tant pis, compète terminée. Il faut que je remette tout ça en état pour le week-end prochain. Je sens que cette année va être intéressante.
Pour ce qui est de la course, Franck et Ronron sont 4km trop courts, Dany de quelques centaines de mètres également. Le DE a stoppé la manche dans l’après-midi à cause de sur-développements. Pas la top journée!