Interview pour Vol Libre Magazine: le rythme de vol (7/10)

Roland

Parle-nous des rythmes et des phases de vol.

Jean-Marc

Les conditions thermiques durant une manche évoluent tout le long de la journée (ombres, nuages, ensoleillement…) et diffèrent du terrain que l’on survole (plaines, plateaux, relief, forêts…); ajoute un peloton et des échappés, et tu comprendras que des changements de rythme deviennent une évidence. L’important est de pouvoir détecter et s’adapter rapidement aux différents rythmes du Groupe pendant la course. Calmer son ardeur et bien se positionner dans la grappe plutôt que partir tête baissée devant tout le monde « I’m the king of the World… » (euphorie éphémère) en se rebaptisant « lièvre »! Je généralise certainement un peu mais seul les très, très bon pilotes peuvent se permettre ces escapades. A contrario, adapter un rythme de vol trop lent, être trop sur la défensive fait qu’un retard s’accumule à chaque transition, avec le risque de perdre de vue le rythme de la course. Ce retard permet rarement de rattraper le groupe de tête, sauf parfois en vol de plaine ou plus fréquemment en conditions « merdiques » ou les derniers sont les premiers!

Outre les variations pendant une manche on peut cependant différencier deux grands types de rythmes: celui de la plaine et celui de la montagne. L’un plutôt sur la recherche de hauteur pour voler loin tout en cheminant au nuage (plus fin, plus féminin) et l’autre plutôt sur le gain à prendre pour rejoindre telle ou telle crête au second barreau (pour les hommes!). Les phases de montée et de transition découlent finalement du type de rythme à aborder.

Denis

En coupe du monde, le niveau des pilotes est très homogène, nous savons nous adapter au rythme de la masse d’air; prudence et vol de groupe dès que c’est dur, voire même parfois savoir attendre des pilotes afin de nous donner plus de chance pour réussir le parcours. Faire demi tour est une qualité rare chez les pilotes de compétition et pourtant… La difficulté réside essentiellement dans la capacité à anticiper les rythmes de la masse d’air grâce à la lecture du ciel et du relief, et bien sûr de savoir adapter sa tactique et sa technique de pilotage. Là ou il y a le plus de temps à perdre ou à gagner c’est dans les changements de rythme; les neurones doivent mouliner à l’avance et se tenir prêt. Pour ça il faut mettre à profit les phases de vol en mode « automatique » pour observer, analyser, et prendre une décision bien avant d’être confronté a la situation future. Pendant la montée en thermique par exemple, on doit être capable de se décentrer (l’esprit) sur la suite des évènements; le pilotage, le replacement doivent devenir un réflexe.

Maxime

En matière de rythme, il est relativement facile de rester au plafond sous un cumulus et de se laisser dériver avec lui. Il n’est pas beaucoup plus difficile de se mettre debout sur son accélérateur sur des kilomètres de crêtes. Ce qui me paraît le plus dur au cours des manches, c’est bien de savoir déterminer les moments-clé, les points d’inflexion, les instants au cours desquels il faut adapter son rythme de vol, ralentir ou accélérer, monter ou avancer, seul ou en groupe. Et ce qui est encore plus difficile pour moi c’est, une fois l’analyse faite, d’avoir la lucidité, le calme et l’intelligence nécessaire pour tirer le frein à main au bon moment.

En termes de phases de vol, je distinguerais le start, le corps de la manche et la rentrée au but. La première et la dernière phases se font à des rythmes très différents mais sont des périodes de calcul intense, bien que nos instruments nous assistent de plus en plus pour cela. Le corps de la manche est quant à lui moins calculé, plus ressenti, fait de thermiques et de transitions donc de choix entre ces possibilités. Au-delà du choix classique thermique/transition j’ai l’impression que l’alternative cheminement/temporisation est plus judicieuse à considérer pour construire son vol, surtout avec les performances incroyables de nos machines.